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Publié le par alternativesenmedecinegenerale

Contre la loi de santé : le printemps de Roanne

Roanne, le lundi 18 mai 2015 – Le bassin Roannais et ses 180 000 habitants font la une des médias nationaux ce lundi matin. La quasi-totalité des médecins généralistes de la ville et de ses environs (soit un peu moins d’une centaine) ont fermé leur cabinet ce lundi matin et n’ont pas prévu de réouverture avant le jeudi 21 mai.

Ce mouvement surprise est né au lendemain de l’adoption du projet de loi de santé par l’Assemblée nationale le 14 avril dernier. Le docteur Michel Seraille, 62 ans, installé à Roanne n’a pu modérer sa colère : le soir même, il écrivait à plusieurs de ses confrères pour partager sa stupéfaction et son indignation. Le message n’est pas resté lettre morte, plusieurs ont répondu dont le docteur Bruno Pagès qui a accepté de prendre la tête du "mouvement" de contestation et de rechercher les moyens de l’exprimer. Rapidement, une réunion était organisée à laquelle « 48 médecins étaient présents sur les 52 que compte l’agglomération roannaise » se souvient le praticien sur l’Alsace.fr. Cet unanimisme ne pouvait que renforcer la détermination de ces médecins : la fermeture massive des cabinets était décidée.

Dimensions locale et nationale

Très vite s’est également imposée l’idée que la grève devait dépasser les 24 heures symboliques. « Fermer une journée, on a vu ce que ça donnait. Ça ne sert à rien. Donc, dans un premier temps, on va fermer trois jours. Si nous ne sommes pas pris en considération, il y aura un durcissement » indique le docteur Seraille au micro d’Europe 1. Les spécificités démographiques de Roanne expliqueraient selon certains observateurs cette soudaine tension. Si la densité médicale et notamment de médecins généralistes s’est stabilisée dans le département au cours des sept dernières années selon l’Atlas de la démographie médicale publié par l’Ordre, l’augmentation de la "demande" favorise l’engorgement des cabinets. « L’évolution catastrophique de la démographie médicale, ne permettra plus aux médecins généralistes toujours en exercice, d’assurer une prise en charge correcte de la population. Le renouvellement des médecins généralistes en fin de carrière et de ceux victimes de burn-out n’est pas assuré (…) Vos médecins assurent actuellement en plus de leurs visites et consultations dans leurs cabinets, la permanence des soins en garde, les soirs, les jours fériés et les week-ends » expliquent ainsi les médecins roannais dans une lettre adressée à leurs patients destinée à expliquer ce mouvement. Mais au-delà de la dimension locale (qui apparaît clairement puisque les praticiens disent attendre une réponse de leurs élus), cette grève a évidemment une portée nationale. Les médecins Roannais ne le cachent pas et font très clairement allusion au vote de la loi de santé par l’Assemblée nationale, nouvelle manifestation selon eux de « l’incompréhension par la classe politique, de la problématique des médecins ».

Une plus grande chance de succès que les mouvements syndicaux ?

Aujourd’hui, beaucoup s’interrogent sur la possibilité pour le mouvement Roannais de faire des émules. Déjà en Saône et Loire, le collectif "Médecins sans télétransmission 71" a indiqué à l’issue d’une réunion qui s’est tenue hier soir, qu’il participerait également à ce mouvement pendant la journée de mercredi. Selon le docteur Stéphanie Grassi, représentante du collectif, interrogé par « Info Chalons », quelque 200 médecins généralistes pourraient être concernés. On évoque également la tenue de réunion dans plusieurs régions de France, comme à Caluire-et-Cuire ou encore en Ile-de-France. Le caractère spontané et local de ces mouvements pourrait paradoxalement représenter un poids nouveau dans ce conflit contre les pouvoirs publics. Alors que les discussions avec l’ensemble des syndicats ont échoué, ces protestations nées sur le terrain pourraient offrir une nouvelle vigueur à la contestation et surtout rappeler au gouvernement qu’elle est loin de n’être qu’un prétexte pour les organisations afin de faire montre de leurs forces avant les élections professionnelles.

Récupération syndicale

Eloignés un temps de ces mobilisations, les syndicats (dont beaucoup de médecins sont déçus), qui la semaine dernière déjà relançaient tous leurs appels à la "résistance" ne désespèrent pas de pouvoir les récupérer. Aujourd’hui, ils se montrent en tout état de cause quasiment unanimes quant au soutien qu’ils réservent au mouvement de Roanne. L’Union française pour une médecine libre (UFML) a publié sur son site la lettre adressée par ces praticiens à leurs patients, la Fédération des médecins de France (FMF) le cite comme un témoignage de « l’exaspération d’une profession prête à exploser », tandis que MG France l’a baptisé : « Le printemps de Roanne ». Déjà, l’organisation «encourage les médecins généralistes à ne pas se laisser faire, et leur propose de participer massivement à ce printemps roannais qui part de la base pour une raison évidente : c’est sur le terrain que se trouvent les solutions aux problèmes ».

Aurélie Haroche

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