dépassements d'honoraires

Publié le par alternativesenmedecinegenerale

Artcile lu sur LE PLUS.

Lorsqu'ils exercent en secteur 2, les médecins conventionnés peuvent fixer leurs tarifs. Pour Claude Leicher, président du syndicat MG France, ce système a entraîné une hiérarchisation socio-médicale des professionnels. S'attaquer au dépassements d'honoraires revient donc à lutter contre cette classification.

 


 

1945, création de l’assurance maladie : le principe est de cotiser selon ses capacités et de recevoir selon ses besoins de santé.

1971, convention médicale nationale : un tarif "opposable", base du remboursement, et un seul secteur, le 1.

1980, création du secteur 2 : un tarif libre fixé par le médecin, le "tact et mesure" confié à l’Ordre des médecins qui le fixe, en 2012, à 400%, soit huit fois le taux de dépassement moyen constaté (50%).

2012, premier sujet pour la ministre de la Santé : les dépassements d’honoraires. Motif : ils freinent l’accès aux soins, car restent à la charge des ménages, les complémentaires les remboursant en partie. Conséquence : les renoncements aux soins, 14% en moyenne, mais 40% chez les populations les plus défavorisées.

 

Doit-on encore hésiter sur les dépassements d’honoraires pratiqués par 25% des médecins conventionnés ? Deux visions opposées : inévitables, il faut les rembourser ; insupportables, il faut les interdire.

 

Rembourser les dépassements d'honoraires ?

 

Mieux les rembourser ? Ce serait encourager leur augmentation, constatée depuis 1980 : 2004-2011, la facture est passée de 1,9 à 2,5 milliards d’euros. Quand les complémentaires augmentent leur remboursement, les dépassements augmentent.

 

A terme, si cette politique perdure, ce sera la fin des tarifs opposables appliqués par les 75% de médecins en secteur 1, car ce taux baisse chaque année, sauf chez les généralistes. Car le secteur 2 n’est pas seulement une façon de répondre à un problème de sous-tarification de certains actes, j’y reviendrai.

 

Le secteur 2, marqueur de la hiérarchie socio-médicale

 

Le vrai problème est ailleurs, le secteur 2 est en effet devenu une zone réservée aux médecins "titrés". Le titre est le marqueur de la hiérarchie socio-médicale, qui est un déterminant essentiel de la bataille qui s’annonce : accès aux soins versus défense de la hiérarchie sociale chez les médecins, construite pendant les études de médecine. Initialement hiérarchie du savoir et du compagnonnage, elle est devenue une vraie hiérarchie socio-médicale : le marqueur signifiant évolue, de l’externe à l’interne, le niveau minimum est actuellement fixé au niveau du chef de clinique hospitalier.

 

Sa traduction est financière, l’accès au sésame secteur 2. Toucher au secteur 2, c’est d’abord toucher à cette hiérarchie, qui depuis la fin du XIXe siècle est aussi géographique, l’internat de Paris se considérant comme la "pointe" de cette élite. C’est le creuset dans lequel on va voir se forger la vraie bataille du secteur 2, dont les excès se concentrent... à Paris... au sommet, chez quelques grands patrons hospitalo-universitaire qui ne font pas l’unanimité parmi leurs pairs.

 

Pendant que tous les autres médecins, compétents, mais non titrés regardent ce feuilleton du secteur 2, en se demandant si un jour les responsables politiques vont se concentrer enfin sur eux, la  grande majorité qui exerce en secteur 1 !

 

Revenir à un seul secteur ?

 

Interdire les dépassements ? Revenir à un seul secteur suppose de reconsidérer la valeur des actes et leur cohérence avec le travail médical et le service rendu à la population. Des actes sont sous-évalués. C’est vrai pour les consultations, et d’abord celle des généralistes, médecin traitant choisi à 99% par la population, à 94% en secteur 1. C’est vrai aussi pour certains actes chirurgicaux et obstétricaux.

 

Le signal du désintérêt pour cette médecine de base, considérée par le sommet de la hiérarchie socio-médicale comme non utile, a été bien sûr de lui interdire l’accès au secteur 2 et de la maintenir au plancher des rémunérations horaires. Cette spécialité fatiguée et fatigante quitte peu à peu et silencieusement le navire, au grand dam de la population et des élus locaux, qui savent, eux, que l’accès aux soins de proximité, donc aux soins tout court, s’en trouve menacé.

 

Car le secteur 2 a aussi affaibli la capacité négociatrice du secteur 1, la négociation étant en permanence décalée, non sur le tarif du secteur 1, mais sur l’ouverture de l’accès au secteur 2.

 

Se caler sur le patient plutôt que sur le médecin

 

La solution au problème des dépassements est assez simple. Aujourd’hui, le choix du tarif, c’est le médecin qui le fait. Mais lorsqu’un usager du système de santé paye ses cotisations, choisit un médecin traitant, détermine avec lui le parcours de santé qui lui est nécessaire, bref, a un comportement vertueux, cela devrait avoir une contrepartie : le prise en charge complète des soins qui lui sont nécessaires.

 

Ce "parcours de santé" à tarif remboursable devrait être la contrepartie GARANTIE aux efforts contributifs et au respect du bon usage du système que constitue un parcours de santé cohérent.

 

Ainsi on règle le problème du principe : c’est le parcours respecté qui amène au tarif, remboursé, si besoin en tiers payant pour réduire les inégalités sociales de santé et les renoncements aux soins. On permet ainsi à chacun de bénéficier de l’ensemble des soins que son état nécessite. Retour à 1945 ?

 

 

 

 

 

 

dans mon quotidien de médecin, je constate que

 

d'une part, les patients ne savent pas la différence secteur 1/secteur2 et que "de payer le spécialiste : c'est normal". Une complète résignation ou un renoncement des soins

 

d'autre part, les mutuelles ont contribué à ce cafouillage dont le seul enjeu est le revenu de ces médecins pour eux et non pour l'amélioration des soins.


Publié dans Pensées d'actualité

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